Étude : Les interactions entre les insectes pollinisateurs et les plantes, sont-elles menacées ?

Une étude du CNRS et de l’université de Montpellier parue le 20 décembre 2023 révèle un constat alarmant sur un double phénomène : le déclin des insectes pollinisateurs et l’autopollinisation de certaines espèces de fleurs.

« Dans un environnement appauvri en insectes pollinisateurs, les plantes à fleurs qui se développent dans les cultures agricoles tendent à saffranchir des pollinisateurs ». Et si bientôt les plantes n’avaient plus du tout besoin d’insectes pollinisateurs ?

Le constat d’un cercle vicieux

C’est la crainte qu’ont mis en évidence les scientifiques du CNRS et de l’université de Montpellier à l’origine d’une étude diffusée le 20 décembre dans la revue New Phytologist.

Intitulée : « L’évolution convergente continue d’un syndrome d’auto-action menace les interactions plante-pollinisateur », elle présente un phénomène qui semble devenir régulier et pourrait créer à l’avenir un cercle vicieux. La diminution du nombre d’insectes pollinisateurs provoque une réduction de la pollinisation qui menace à son tour la population en question. Le déclin des insectes pollinisateurs oblige alors les fleurs à s’adapter elles-mêmes à cette situation.

Liens entre insectes pollinisateurs et plantes

L’évolution de la relation entre les insectes et les fleurs

Pour réaliser cette étude, les auteurs se sont penchés sur le cas des pensées de champs, récoltées en 2021 en région parisienne qu’ils ont ensuite comparées avec des fleurs issues de graines collectées puis conservées par des conservatoires botaniques nationaux, entre les années 1990 et 2000. Ils ont par la suite analysé le comportement des bourdons vis-à-vis de plants de fleurs plus anciens et de ceux plus récents.

« Nous avons utilisé la méthodologie de l’écologie de la résurrection pour contraster les ancêtres et les descendants contemporains dans quatre populations naturelles de la pensée des champs (Viola arvensis) dans la région de Paris (France), un environnement appauvri de pollinisateurs. Nous combinons l’analyse génétique de la population, les mesures phénotypiques et les tests comportementaux sur une expérience de jardin commun. »

Les résultats ont révélé que les fleurs actuelles, impactées par les changements environnementaux et l’utilisation de pesticides, présentent une réduction de taille de 10% par rapport à celles collectées dans le passé. Par conséquent, elles produisent 20 % de nectar en moins, nécessaire à la pollinisation, et attirent moins les bourdons.

Une autre évolution a été constatée. « L’analyse de la génétique des populations révèle une augmentation de 27 % des taux d’auto-dépendage réalisés sur le terrain au cours de cette période ». Entre ces deux périodes, l’auto-fécondation des fleurs a augmenté de presque 30 % et entraîne une baisse de l’attractivité pour les insectes.

Une nouvelle inquiétante

Pour Colin Fontaine, biologiste, chercheur en écologie au CNRS et au Muséum national d’Histoire naturelle : « 70 à 90 % des plantes à fleurs, c’est à dire quelques 250 000 espèces, dépendent au moins en partie de la pollinisation animale pour leur fécondation » explique-t-il auprès du Muséum.

De-là à s’inquiéter de l’avenir des plantes et des insectes ?

C’est la conclusion qu’émettent les scientifiques dans l’étude : « Il est donc urgent d’enquêter pour savoir si ces résultats sont symptomatiques d’un schéma plus large chez les angiospermes et leurs pollinisateurs, et, le cas échéant, de comprendre s’il est possible d’inverser ce processus et de briser cette boucle de rétroaction éco-évolutionnaire-positive ».

Ils appellent à prendre des mesures rapides pour renverser la situation et faire perdurer les interactions, fondamentales, entre les fleurs et les insectes.

Sources :

https://www.cnrs.fr/fr/presse/les-fleurs-des-champs-abandonnent-les-insectes-pollinisateurs

https://www.mnhn.fr/fr/le-declin-des-insectes-pollinisateurs

https://nph.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/nph.19422

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